Pendant la campagne présidentielle, le candidat François Hollande, à la surprise générale, avait promis de taxer les revenus du capital au même niveau que ceux du travail. Avec mes camarades du Front de gauche, nous nous disions qu’enfin, il y avait peut-être un peu d’espoir dans ce candidat du social-libéralisme. Bien mal nous en a pris. Les promesses, quand elles subissent à ce point l’épreuve de la réalité, ne s’avèrent être que des mensonges. J’y reviendrai
Intéressons-nous d’abord au fond du sujet. À quoi bon taxer les revenus du capital autant que les revenus du travail ? Cette question mérite d’être posée. Pour y répondre, il nous faut revenir aux notions fondamentales.
Aller vers une taxation égale, cela signifie qu’il y avait donc une différence. Ce différentiel peut se comprendre facilement par une étude de la révolution néolibérale que nous vivons depuis la fin des Trente Glorieuses.
En effet, il faut être aveugle pour ne pas constater que la croissance est quasi nulle depuis des décennies. Ce que l’on peut traduire vulgairement par l’image d’un gâteau du PIB national qui ne grossit plus. Cette stagnation, qui peut s’expliquer par de nombreuses raisons structurelles, enclenche à nouveau ce que tout être sensé appelle la lutte des classes. Lutte des classes qui s’était endormie lors des années d’après-guerre, alors que la croissance affichait une forme insolente et que l’équipement des ménages atteignait un niveau sans précédent. Bref, le « gâteau » grossissait suffisamment pour permettre à chacun de prélever son profit.
Mais l’histoire n’est pas linéaire. La fin des Trente Glorieuses a entraîné le monde occidental dans une période de stagnation économique. Alors, les profits annuels se réduisirent et se posa à nouveau la question de savoir qui, du travailleur ou de l’actionnaire, allait accaparer les miettes.
Ces miettes, ce sont malheureusement les « capitalistes » qui les ont prélevées depuis les années 1980. Leurs revenus, historiquement, n’ont jamais autant progressé. Et ce, grâce à plusieurs mécanismes précis : obligation d’État rémunérée grâce à l’interdiction « légale » faite à ce dernier d’emprunter auprès de la banque centrale, baisse d’impôts générale sur les plus fortunés, limitation des salaires, ce qu’aujourd’hui on appelle plus généralement l’austérité.
Pour protéger leurs « privilèges », des idées fausses furent propagées par la deuxième peau du système : les médias et leurs piètres hérauts. On nous expliqua ainsi qu’il ne fallait surtout pas d’inflation au motif qu’elle réduisait mécaniquement les revenus du capital et le capital lui-même, tout en oubliant qu’elle pouvait favoriser la baisse du chômage.
Le plus génial de leur argument et sûrement le plus efficace, fut de faire croire qu’en taxant moins le capital, celui-ci allait être mis au service de la création d’emplois. Qui n’a pas entendu ce fameux adage moderne : « En taxant moins le capital et ses revenus, les entrepreneurs pourront investir et de créer des emplois« ? Blablabla…
Cela va faire 20 ans qu’on entend ces mêmes inepties. Et pourtant, le chômage n’a jamais été aussi fort. C’est pourquoi le Front de gauche, dans son programme « L’humain d’abord », avait décidé de rétablir de la justice fiscale dans la société.
En taxant les revenus du capital, on donne un signal clair à la population. Être pantouflard et vivre de « l’assistanat boursier » n’est pas compatible avec une société moderne. Taxons moins ceux qui se lèvent tôt et plus ceux qui s’enrichissent en dormant. Pourquoi les revenus de la paresse et du privilège de naissance devraient être moins taxés que les efforts que nous fournissons chaque jour ?
Cela n’a pas de sens. Or, l’absence de sens crée bien des malheurs et de la misère à tous les niveaux de la société.
Mais surtout, revenir à une taxation juste sur les revenus du capital, c’est remettre déjà en question la question de la répartition des richesses créées chaque année. C’est préférer les salariés aux actionnaires. C’est permettre aux entreprises de sortir d’une logique comptable à court terme pour s’inscrire dans le long terme par la planification écologique et la création de nombreux emplois.
Taxer les revenus du capital, c’est aussi dégager des moyens nouveaux à l’État. Au lieu de réduire les dépenses et paralyser l’économie en promettant la misère à tous, on peut, sans atteindre le plus grand nombre, relancer des grands projets au plan national. Pour rappel, une véritable taxation des revenus du capital permettrait, d’après plusieurs études, de dégager plus de 50 milliards d’euros annuels.
Je parle de véritable taxation du capital. Ce n’est malheureusement pas le cap qu’a pris François Hollande, quoi qu’en disent ces voraces de l’OCDE. Il est clair que les promesses se sont avérées être des mensonges. En effet, par l’instauration et la consolidation d’un bouclier fiscal et par différentes possibilités de détaxations, les revenus du capital sont toujours bien moins taxés, et ce de beaucoup. Le diable se cache dans les détails et pour une fois il est loin d’être rouge…
Quel dommage ! Au lieu d’imposer l’austérité au plus grand nombre, on aurait pu imposer véritablement le capital. Nous aurions économisé des années de malheurs.
Mais que ce soit clair, s’intéresser aux revenus du capital, c’est n’évoquer que la création de la richesse. Or, notre pays est déjà très riche. Il ne l’a jamais autant été. Au lieu de regarder que la création des nouvelles miettes, il est toujours possible de s’intéresser au gâteau. Certains, au lieu d’être concentrés sur leur plus-value annuelle, devraient se méfier. Car, quand l’énergie populaire explosera, il est illusoire de croire que ce ne sera que pour modifier les choses superficiellement comme le taux d’imposition de chaque tranche. La révolution, en général, pose tous les problèmes sur la table. Elle va aux racines. Elle est toujours radicale. En interrogeant le réel, elle posera les vraies questions. Les certitudes s’écrouleront alors et un monde nouveau pourra être construit.